Patrimoine païen breton : la Vénus de Quinipily près de Baud (Morbihan, Bretagne)

Le mystère de la Vénus de Quinipily fait beaucoup parler … Mais qui est-elle ? J’ai mené l’enquête…

En granit et haute de plus de 2 mètres, elle se trouve dans l’enceinte de Quinipily, tout près de Baud. Pour la trouver, rendez vous à Baud et suivez les panneaux.

Quand vous êtes sur la petite route, longez les enceintes de l’ancien château de Quinipily (aujourd’hui détruit, seuls les communs ont été restaurés),

 l'

et arrêtez vous devant la grille. On vous accueillera avec un petit fascicule trilingue expliquant l’histoire de la statue, vous acquitterez un droit de visite (3 euros pour les adultes) pour pouvoir vous promener dans l’enceinte jusqu’à la Vénus, les bruyères

Bruyère

et plus haut la fontaine Saint Michel.

Premier indice : le guide Joanne de 1883 :

« …les ruines du château de Quinipily et les enceintes étaient recouverts en partie de pierre et de ronces… on aperçoit la statue, placée sur un édicule au dessus d’une grande cuve en granit…. barbare échantillon de l’art antique ( Pas mal le commentaire !!!).
Tout ce que l’on peut affirmer c’est qu’au hameau de la Gouarde où elle s’élevait d’abord, cette statue portait le nom de Groarc’h er Gouard (la sorcière de la Garde) et qu’elle y fut jusqu’à la fin du XVIIè l’objet d’un culte grossier que lui rendaient les paysans. On lui apportait des offrandes, les malades allaient la toucher pour se guérir, les femmes relevant de couches se baignaient dans une vaste cuve placée à ses pieds ; enfin les jeunes gens et les jeunes filles qui désiraient se marier se permettaient devant la déesse certains actes répréhensibles.

Vénus sur son piedestal et la cuve de 3600 litres

Transportée en 1696 avec son auge au château de Quinipily par les soins de M. de Lannion, cette figure haute de 2 m ne trahit en aucune manière le culte lubrique dont elle a été l’objet ; on ne peut être plus modeste sans vêtement que cette Vénus hottentote *. On ne sait s’il faut attribuer à M. de Lannion les inscriptions IIT ou LIT … inscrites sur la bandelette qui lui ceint le front.

L’interprétation de ces trois lettres a mis aux abois les archéologues et donné lieu à des discussions sans résultat… »

(* La Vénus hottentote est un type de femme bochimane et non hottentote -pasteurs nomades de l’Afrique du Sud Ouest-. La nudité n’était pas de bon goût à l’époque…)

On comprend mieux après ces commentaires acerbes que le clergé breton n’ait pas toujours eu en odeur de sainteté la statue …

La notice explicative donnée sur le site affine mes investigations : cette statue serait de provenance très ancienne égyptienne ou romaine … Le clergé de Vannes était très embarrassé par le culte populaire qui lui était voué. Située auparavant sur la montagne de Castennec, les ecclésiastiques voulurent faire cesser les superstitions qui l’entouraient. Elle fut plusieurs fois renversée mais à chaque fois les paysans la relevaient et continuaient leurs rituels.
Bien embêtés, les religieux passèrent à l’étape supérieure : la noyade dans la rivière.

« En 1661 et 1690, l’évêque de Vannes la fit jeter dans le Blavet. Sa récupération, en 1698, par le comte de Lannion en son château de Quinipily provoqua un retentissant procès avec le duc de Rohan. »

C’est à la suite d’un jugement en 1701 (C’est Lannion qui gagne) qu’elle est finalement installée sur le site où elle est actuellement.

L’enquête progresse… et les informations officielles sur les dossiers électroniques de l’inventaire général du patrimoine culturel vont boucler la boucle de son origine :

« La déesse est représentée nue, les mains sur la poitrine ; une sorte d’étole qui passe autour du cou lui descend jusque sur le ventre. »

Vénus égyptienne, romaine ou gauloise ?

Cette statue de plus de 2 m en granit est posé sur un piédestal et a à ses pieds une grande cuve en granit (d’une capacité de 3600 litres) qui était avant alimenté par la source au dessus.

Jusque là pas de scoop, mais est-elle égyptienne, gauloise ou romaine ???

« L’histoire de cette oeuvre remonte à l’Antiquité, elle commence dans la commune voisine de Bieuzy sur la butte de Castennec près du prieuré de la Couarde : une cuve associée à une statue antique représentant une femme, probablement une Vénus, appelée « Notre-Dame de la Couarde », y était vénérée par le peuple depuis des temps immémoriaux…« 


« En 1698, Pierre de Lannion sort la statue du Blavet et la fait transporter avec la cuve au château de Quinipily. Lorsqu’il veut la faire retailler pour lui redonner « figure humaine », la pierre éclate en morceaux. Il fait alors sculpter la statue actuelle et la pose sur un piédestal neuf au bas duquel est placée la cuve. L’eau y est amenée au moyen de tuyaux, à partir des sources voisines, notamment celle de la fontaine Saint-Michel située au nord. »

Site de la chapelle et fontaine de saint Michel à Quinipily

La statue n’est donc pas antique mais beaucoup plus récente. Pourtant, une incohérence est encore pointée :

« La date de 1696, gravée sur la quatrième face du piédestal est vraisemblablement fausse puisque la statue de la Couarde n’a été tirée des eaux du Blavet qu’en 1698, après son achat par le comte de Lannion. De plus, la fabrication du monument n’a eu lieu qu’après le procès engagé au sujet de la statue entre le duc de Rohan et le comte de Lannion en 1701. »

Continuez la balade et vous verrez les traces de l’ancienne chapelle Saint Michel.

Et ce n’est vraisemblablement pas une coincidence que Saint Michel terrasse ici le dragon. Vous savez qui représente le dragon ???

Saint Michel

Et bien le dragon représente les croyances populaires, cultes paiens et autres déviances qu’il faut éliminer …

Y a pas de hasard…

Horaires de visite de la Vénus de Quinipily

Profitez d’être près du Blavet pour aller visiter Poul Fétan ou Melrand (le village de l’an Mil). Pour vous y rendre, longez le Blavet et perdez vous dans le coin, c’est magnifique…

Lisez cet article en anglais : Venus of Quinipily pagan statue in Brittany (France)

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6 réflexions au sujet de “Patrimoine païen breton : la Vénus de Quinipily près de Baud (Morbihan, Bretagne)”

  1. très complet ton article et fort bien documenté .. ca donne extrémement envie d’aller y faire un tour !
    Rien n’a été fait par hasard, tout avait sa juste place et il est vrai que la Bretagne regorge de légendes et de personnages étonnants !

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  2. Effectivement, je trouvais le "physique" de cette statue si curieux que j’ai voulu comprendre. J’ai mis un certain temps, un temps certain à trouver les indices de l’énigme…

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  3. J’ai une amie qui est allée à Paris voir un spectacle sur la Vénus hottentote… Et cette pauvre femme a eu une histoire horrible… Cette femme callipyge (qui a de belles fesses) était originaire d’Afrique du Sud et a été exposée en Europe (Angleterre, Hollande,France) pour ses formes particulières : elle avait des fesses et des hanches hypertrophiées (donc très volumineuses). Née en 1789, escalve ramenée en Angleterre, elle est montrée dans ces différents pays comme bête de foire ou "sert" dans les soirées privées comme "objet sexuel". Elle devient ensuite un objet d’études pour les scientifiques français du Muséum d’histoire naturelle de France. Elle meurt jeune (25 ans) et son corps est moulé puis disséqué et conservé dans du formol. Elle sera exposée au musée de l’homme de Paris jusqu’en 1974 !
    Ce n’est qu’en 2002 qu’elle est rapatriée en Afrique du Sud et a maintenant une sépulture décente…

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  4. Le spectacle s’appelle Vénus et a lieu à Paris du 11 au 27 mars 2010 à l’Athénée au théâtre Louis-Jouvet
    www athenee-theatre.com

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  5. Décidement la Vénus est sur tous les fronts… Un film lui est consacré en cette fin d’année la Vénus noire de Kechiche… qui raconte l’histoire de cette femme et de son horrible destin en Europe.

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  6. J’ai vu ce film et cette venus n’a rien à voir avec la Venus que vous présentez en photo… Le nom devait faire exotique à l’époque !

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